Chers amis,
Dans le Manifeste du surréalisme d’André Breton, sur lequel la théorie surréaliste était fondée, l’on trouve les lignes suivantes :
Swift est surréaliste dans la méchanceté.
Sade est surréaliste dans le sadisme.
Chateaubriand est surréaliste dans l’exotisme.
[…]
Hugo est surréaliste quand il n’est pas bête.
Poe est surréaliste dans l’aventure.
Baudelaire est surréaliste dans la morale.
[…]
La liste est simple mais suscite la réflexion. A mon avis, la partie surréaliste de chaque écrivain est aussi parfois son point fort. Dans The Raven d'Edgar Allan Poe, le rythme inspire un sens de l’aventure, sans même considérer l’histoire elle-même, qui parle d’un homme face à un fantôme (qui est, on le découvre à la fin, simplement un corbeau).
While I nodded, nearly napping, suddenly there came a tapping,
As of some one gently rapping, rapping at my chamber door.
“Tis some visiter,” I muttered, “tapping at my chamber door—
Only this and nothing more.”
Dans la liste on voit aussi qu’être surréaliste, c’est être beaucoup de choses à la fois. Etre surréaliste, c’est être sage, intelligent, prudent, mais aussi possiblement dérangé, ou en tous cas, complexe….
Il y a deux semaines, à l’Ambassade de France à New York, à l’intérieur de la Payne-Whitney mansion, nous avons ouvert une librairie française, qui s’appelle Albertine. Le lecteur ne connait pas la vraie identité de ce personnage énigmatique et éphémère du roman de Proust (A la recherche du temps perdu) parce qu’elle n’est pas un seul être mais plusieurs. On ne connaît que quelques élans de l’âme d’Albertine, quelques idées floues, à travers l’esprit complexe et tumultueux du narrateur Marcel.
Mon espoir est que ce nouveau lieu, Albertine, comme le personnage, soit un lieu surréaliste, dans le sens de la pluralité, l’énergie, et la propension rêveuse du surréalisme. Je voudrais que cette librairie soit familière et confortable pour tout le monde, qu’elle ait la capacité de refléter l’identité de tous ses clients. La librairie propose 14 000 ouvrages en littérature, sciences humaines, bandes dessinées, livres pour enfants, guides de voyage, beaux livres, par des auteurs français ou francophones, en français et en anglais. La librairie offrira également toute l’année des rencontres, des débats croisés et des lectures. Donc c’est à vous, les Français à New York, les New Yorkers à New York, de la faire vivre.
Nous organisons un Festival d’ouverture du 14 au 19 octobre, qui célèbre l’apparition de ce lieu comme une scène de débats franco-américains dans tous les domaines.
Je vous invite à découvrir le programme de notre automne, une période bien remplie, à l’Ambassade de France.
Sincèrement,
Antonin Baudry
Conseiller Culturel de l’Ambassade de France aux Etats-Unis
Image © Jessica Nash